Aux Amis de La Brosse – Cultivons notre village d’Héricy…
… à travers plusieurs rubriques de notre Histoire, de nos Saveurs, de nos Souvenirs, de notre Vie… qui se proposent de conserver et de partager les souvenirs et les mémoires d’un village briard en bord de Seine.
Cette nouvelle publication de la « La Seine de nos Saveurs » continue à vous partager les notes originales de M. François et de M. Pouzet sur la viticulture et la viniculture implantées sur les coteaux de Seine, en l’illustrant par des résultats, le plus souvent inédits, de nos recherches.
La Seine de nos Saveurs, 3 : Les pressoirs de la commune d’Héricy
A l’instar des villages voisins, Féricy, Fontaine-le-Port, Samoreau, Vulaines…, Héricy a longtemps été un village viticole, sans qu’il eut été besoin qu’ « en 1160, les moines de Barbeau (plantassent) les premières souches ». Dans les années 1640, une paroisse de notre pays était même connue comme Les Vignes. Malgré l’abandon et l’oubli, des vignes parviennent à subsister, respectables d’avoir résisté au phylloxera... Bientôt un an, nous avions illustré l’affiche annonçant la naissance de l’AAB-Héricy par l’une de ces vignes et par un mobilier archéologique exceptionnel. Voici de quoi en savoir davantage.
Nous vous avons précédemment indiqué qu’à la fin du XIXe siècle il existait, au moins, dix-sept pressoirs dans notre Pays, et pour certains, encore en activité. Cinq pressoirs avaient été recensés par M. François et M. Pouzet, deux à Héricy et trois à la Brosse.
✻ Les pressoirs à Héricy
« A Héricy, il existait deux pressoirs, tous deux à abattage : le pressoir du château (…) et le pressoir de M. Fanche ».
« Bien qu'existant (toujours dans les années 1910), le pressoir du château (dit Stoppa et qui deviendra la mairie en 1959) ne fonctionnait plus depuis une quarantaine d'années : les propriétaires, M. et Mme Dinet possédaient des vignes, dont les dernières furent arrachées en I911, mais vu le peu d'importance des marcs, ils avaient plus d'avantages à faire venir un pressoir roulant. Leur dernière récolte date de I908 ».
« L’autre pressoir fut compris avec le moulin d'Héricy dans la vente faite le I3 décembre 1812 par Louise Catherine Delaplace, veuve Antoine Chevrier de Fontainebleau à Michel Pierre Fanche de Melun. Plus tard, ce pressoir fut vendu par Mr Fanche à Mr Morel, charron qui l'exploita un certain nombre d'années et le fit ensuite démolir. Son emplacement se trouvait compris dans celui qu'occupe actuellement l'épicerie Pommier, place du pilori ».
Notons que toujours en 1812, « le pilori fut détruit par le sieur Dongilet, pour le compte de M. Poncet (…) afin d’en faire des pieux d’espaliers », certainement entrepris comme échalas. Nous reviendrons bientôt sur les techniques de culture de la vigne au XIXe siècle.
✻ Les pressoirs à la Brosse
« La Brosse (…) possédait trois pressoirs : le pressoir de la brouette, rue des carrières, le pressoir de l'église sur la place de la Brosse et le pressoir du camp, rue de la Croix, ces deux derniers à abattage ».
« Le pressoir de la brouette dépendait du château voisin appelé " Le pavillon" », ce château correspond au château de la Brosse dont nous avons retrouvé l’existence et partagé avec vous son histoire et son emplacement dans « La Seine de nos Souvenirs, 4 & La Seine de notre Histoire, 6 : le Château de La Brosse ». « En 1835, le propriétaire officier ministériel à Montereau, Me Alphonse Chevrier, vendit le pressoir à Etienne Bourain. Le pressoir a été démoli mais le bâtiment existe toujours. Il (a servi) de magasin au syndicat agricole de la Brosse-Héricy (avant d’être transformé en garage. Pendant longtemps) les habitants du pays y venaient chercher comme jadis leurs pères, de nombreux fûts de vin… seulement ce n 'était plus du vin de leur récolte mais du vin d'Algérie ».
« Le pressoir de l'église avant la Révolution appartenait à la fabrique d'Héricy. A cette époque, au dire des anciens, le bâtiment n'était pas clos du côté de la rue. Chaque année le pressoir était loué aux enchères sur la place de l'église. Le prix de l’adjudication variait suivant l'importance de la récolte prévue : il est rapporté qu'en I633 et 1690 il fut loué 60 livres, 41 livres en 1693. Le presseur devait en outre fournir à l’église un surplis d'une valeur de 10 livres, 6 aiguilles bonnes et valables ; aux sonneurs le jour de la Toussaint, un pain de la valeur de 8 sols, un seau de vin, une demi livre de chandelle ». Ce qui sera plus ou moins repris par Iablokoff (1978).
« Le pressoir de l'église fut vendu un peu avant 1855 par Denis Chevrier aux frères Couillard. Il a été démoli en 1893. Le bâtiment a été converti en deux granges appartenant (vers 1910), l’une à Eugène Alix Couillard (transcripteur de « Notes sur Héricy au XVe siècle »), l'autre à Louis Songeux ». Louis Songeux est le grand-père de notre Ami Robert : la fille de Louis va épouser Raymond Thuau et Robert est l’un de leurs enfants.
« Le pressoir du camp (ainsi appelé en souvenir des troupes qui y séjournèrent au milieu du XVe siècle) a été également démoli en I893. II appartenait en dernier lieu aux héritiers Lemoine et Rigault. Le bâtiment sert actuellement de grange à Mme Vve Théodule Dufour. »
✻ Du « mobilier » comme « témoignages archéologiques »
Comme témoignage de cette intense viniculture, il reste cependant deux vis en bois (au moins), dont l’une façonnée en 1834. Ces deux vis ont survécu au démantèlement des pressoirs auxquelles elles étaient assujetties, sans aucun doute de par leurs dimensions qui leur ont permis d’être réutilisées comme poutres. Nos Amis et nos Ainés nous ont ouvert leurs granges pour partager ces témoignages « archéologiques », ce « mobilier » patrimonial, du passé, pas si lointain, de la viniculture héricéenne. Nous les en remercions : c’est la première fois qu’ils sont publiés pour le bénéfice du plus grand nombre.
Au milieu du XVIIe siècle notre Pays (colorisé en jaune) était viticole comme l’atteste cette « Carte de l’Isle de France et Brie » aux environs de 1640 par Nicolas, dit Christophe, Tassin avec la paroisse (?) Les Vignes en son cœur. La Vigne est localisée immédiatement à l'est d'Héricy, peut-être s’agit-il de la Brosse ou de Fontaineroux. Notre pays était donc synonyme de viniculture et viticulture : est-ce la raison du pont de Samois-Héricy ? Document original disponible sur Wikipedia Commons (sept 2021)
Les pressoirs de la résidence Stoppa-Dinet, d’après un document préservé par les Archives Départementales de Seine-et-Marne.
La médiathèque d’Héricy : peut-être à l’emplacement du pressoir à abattage de la résidence Dinet, compte tenu des dimensions de ce bâtiment et de celles, extrapolées, d’un pressoir à abattage. Ce pressoir sera démantelé début XXe siècle.
Les granges qui abritaient le pressoir de la fabrique puis de l’Eglise, avant d’être démantelé en 1893. Le lieu sera partagé et ces deux granges seront alors individualisées.
Carte des pressoirs en activité à Héricy-bourg au XIXe siècle, avec la direction du port aux Vins d’où le vin s’écoulait pour le plaisir de Paris : « Les coteaux d'Héricy étaient autrefois couverts de vignes dont le vin était très renommé. Il était transporté par la Seine jusqu'à Paris, où certains cabarets en assuraient la spécialité, de même qu'aujourd'hui certains se consacrent au Beaujolais... »
Carte des pressoirs en activité à La Brosse au XIXe siècle.
(à suivre)
Pour nous joindre et rejoindre : aab.hericy@gmail.com
© Aux Amis de La Brosse – Cultivons notre Village d’Héricy, 2022
… à travers plusieurs rubriques de notre Culture, de notre Histoire, de nos Saveurs, de nos Souvenirs, de notre Vie… qui se proposent de conserver et de partager les souvenirs et les mémoires d’un village viticole en bord de Seine. Nous venons d’apprendre le décès de Maurice Pouzet : cette publication est pour nous l’occasion de lui rendre hommage.
Dans les publications précédentes de la « Seine nos Saveurs », nous avons parlé de différents pressoirs : à l’abattage, à la brouette, rouet, sur roues… Dans notre région, les pressoirs les plus usités étaient les pressoirs dits à « arbre » ou « abattage », de la grande famille des « pressoirs à levier » : dans un premier temps, nous allons décrire un pressoir à abattage qui fut longtemps en activité à Héricy et qui n’avait pas encore été démantelé du début du XXe siècle : le pressoir installé dans le « château » d’Héricy.
La Seine de nos Saveurs, 4 : Les pressoirs « à abattage »
✻ Le pressoir à abattage de la résidence Dinet, vers 1911
« Les pressoirs à « abattage » étaient ceux qui donnaient la meilleure pression et épuisaient le plus complètement le marc. Quand on jetait celui-ci au sortir du pressoir, c'était un avantage très apprécié. En 1911, un de ces pressoirs existait encore au château d'Héricy, (c’est-à-dire la résidence Stoppa). Ses propriétaires (d’alors), M. et. Mme Dinet, avaient su conserver précieusement cette relique du passé. Ils avaient permis de le visiter à G. Guillory », l’auteur de « Vulaines, Samoreau, Héricy ». Le compte-rendu de cette visite est consigné par Marcel François, puis transcrit par Maurice Pouzet : nous vous le proposons, illustré de documents pour en faciliter la lecture.
« Sur la gauche, en entrant dans le bâtiment qui l'abrite, se trouve la « maie » commune à tous les pressoirs. La maie est un fort plancher, de 3 mètres de côté, établi à environ un mètre du sol et sur lequel on entasse le marc pour le presser ; dans ce plancher est creusé une rigole circulaire pour l'écoulement du vin. Sur le devant, cette rigole se continue dans une « hanche » par où le vin se déverse dans un rondeau ou baignoire.
De chaque côté de la maie et au milieu de sa largeur, deux (paires de) grosses pièces de bois verticales percées de mortaises ou « lumières » se faisant face. Leurs rôles et leur nom sont différents : sur la gauche sont les « fourches », sur la droite, les « jumelles ». Les fourches sont enfouies en terre à environ six mètres de profondeur : pour éviter qu’elles ne s’arrachent, elles sont encore dans cette partie souterraine, munies de moises, ou entretoises, solidement boulonnées et de trois planchers successifs dont le plus grand et le plus profondément enfoui n'a pas moins de quatre mètres de côté.
A leur extrémité supérieure c'est-à-dire à environ trois mètres au-dessus du sol, les fourches sont de nouveau solidement reliées entre elles et leur écartement maintenu par un gros coin de bois. Les jumelles ne sont pas fixées en terre comme les fourches et leurs lumières sont beaucoup moins longues.
Au-dessus de la maie, dans le sens horizontal et se prolongeant sur la droite, se trouve l’« arbre » (c’est-à-dire le levier). C'est la pièce principale du pressoir. (Chez les Dinet), ce sont quatre énormes poutres assemblées entre elles, ayant au total 1m ou 1,2m de côté et environ 10m de long. Cet arbre est simplement placé en équilibre à 2,5m. du sol. Une des extrémités va glisser dans les fourches dont nous venons de parler ; c'est la « culée ». L'autre vient rejoindre une vis en bois.
Placée verticalement (à l’extrémité de l’arbre, à l’opposé de la culée) à plusieurs mètres de la maie, c'est l'écrou. Cet écrou en bois ne fait pas partie intégrante de l'arbre. Il est simplement mais solidement fixé dessus. Cette extrémité de l'arbre est encochée pour permettre le passage de la vis. Quant à la vis, grâce à une encoche pratiquée vers son extrémité inférieure, elle se trouve prise dans un assemblage de pièces de bois qui la fixe (à deux autres) fourches enfoncées aussi profondément que les premières mais dont le sommet ne s'élève guère qu'à un mètre au-dessus du sol. (Imbriquée sur la vis, une roue est) munie de quatre bras pour permettre aux « pressureux » de la faire fonctionner. Il en faut au moins huit ; deux hommes à chaque bras pour la serrer. (A la place des bras, cette roue peut présenter des taquets, mais son usage s’avère plus difficile).
A l'état de repos, un « sommier » ou « mouton » de bois est glissé dans les lumières des jumelles et des « aiguilles » de bois également dans celles des fourches de la culée et l'arbre est ainsi maintenu à sa hauteur normale ».
✻ Du « mobilier vinicole » comme « témoignages archéologiques » du passé vinicole
Comme témoignage de l’intense viniculture qui a marqué nos villages du Moyen Age au début du XXe siècle, deux vis en bois, dont l’une façonnée en 1834, ont été inventoriées à La Brosse. Nous remercions une nouvelle fois nos Amis et nos Ainés qui ont ouvert leurs maisons pour partager ces témoignages « archéologiques », véritable « mobilier » patrimonial.
Ces deux vis présentent à leur base un carré où venait très certainement s’imbriquer une « roue à chevilles », soit à bras, soit à « taquets » permettant aux pressureurs, en la tournant, de faire monter ou descendre le levier et ainsi assurer la presse. Les pressoirs à abattage de La Brosse étaient donc très comparables à celui de la résidence Dinet (cf. supra).
Ces vis donnent une idée de la dimension des pressoirs auxquels elles étaient attachées. La dimension de l’arbre, c’est-à-dire le levier, en est une autre indication : plus d’un mètre de section carrée pour une dizaine de mètre de longueur, soit plus que la largeur habituelle de nos maisons. Au repos, la hauteur de ces pressoirs était de l’ordre de trois à quatre mètres, sans compter la partie qui était enfouie. Rares étaient leurs éléments métalliques : limités à la fixation de l’écrou sur l’arbre ou pour retenir ensemble les poutres constituant l’arbre si celui-ci n’est pas monoxyle. Ils doivent, en outre, résister à des forces de tension considérables : ils sont robustes et doivent être d’une maintenance aisée : tenon, mortaise, cheville... A la fin du XIXe siècle, ces pressoirs constituent d’imposantes et de puissantes machines encore mues par la force humaine.
oOo
Nous avions inauguré cette série « La Seine de nos Saveurs » et nous l’enrichissons régulièrement par des extraits de « Pressoirs » de Marcel François, agriculteur à Féricy et enseignant à la ferme-école « Pittsburgh » de Fontaineroux – devenue le lycée professionnel agricole Lafayette – et de Maurice Pouzet, son gendre. Jean-Michel Pouzet, ses frères et ses sœurs nous ont autorisé à publier cette publication inédite de leur grand-père Marcel et de leur père Maurice qui fait le bilan sur la viniculture et la viticulture de notre région au passage entre le XIXe et le XXe siècle : nous avons créé la série « La Seine de nos Saveurs » pour cette raison. Nous les remercions ainsi de partager au plus grand nombre ce témoignage essentiel et unique sur la viticulture et la viniculture de notre pays briard au début du XXe siècle.
Salarié à Jeumont Schneider, comme ses collègues Robert Bal et Claude Songeux, Maurice Pouzet avait été initié et formé à la lecture et à la compréhension et à la transcription des textes rédigés en « vieux français » par Claude Vaillant, président du Club d’Archéologie de Champagne.
Maurice Pouzet est inhumé au cimetière de Féricy aux côtés de son épouse Ginette.
Cette série « La Seine de nos Saveurs » est une des composantes de nos publications : « La Seine de notre Vie » fait le point sur l’actualité de l’association et des associations voisines comme les agendas… ; « La Seine de nos Souvenirs » partage les souvenirs, la mémoire du village que lui transmet les Aînés ; « La Seine de notre Histoire » contribue à mieux connaître et préserver notre cadre de vie et patrimonial ; « La Seine de notre Culture » partage nos manifestations culturelles, celles de nos Amis et toutes celles qui nous auront été recommandées.
« La Seine de nos Saveurs » fait le point sur la culture et le patrimoine immatériel de notre région, souvent évoqués, plus rarement étudiés en détail : tout ce qui a trait à la cuisine, aux spécialités culinaires et aux boissons comme les bières, les cidres, les hydromels et les vins, par extension aux faïences… ou plus généralement, tout ce qui peut contribuer aux « plaisirs de la table ».
(à suivre)
Pour nous joindre et rejoindre : aab.hericy@gmail.com
Merci à Bruno et à Jean-Michel pour leurs conseils et leurs relectures.
© D’après un texte inédit de M. François et de M. Pouzet et d’autres sources, mis en forme et édité par L. et O. Parize pour « Aux Amis de La Brosse – Cultivons notre Village », mai 2022.
6Vous, Gisèle Kapustic, Candida Garcia et 3 autres personnes
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